Chuck Palahniuk - la transgression comme Berceuse

Publié le par Mr. Oyster

L’autre soir, il y avait Chuck Palahniuk à la télé. C’était dans Tracks, l’émission d’Arte sur « les musiques et les cultures qui ne tiennent pas en place » - il faudra qu’on m’explique pourquoi, les rares fois où par hasard je tombe sur Tracks, les cultures qui ne tiennent pas en place semblent se résumer au metal, au hard-rock ou au mouvement gothique, mais passons. Chuck Palahniuk, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, est cet horrifique auteur qui a accédé à la célébrité lorsque son premier roman, Fight Club, a été adapté au cinéma par David Fincher.

 

J’aimais beaucoup Fight Club, et j’en garde un souvenir presque ému – sauf que je n’y retoucherai sans doute jamais. Fight Club possède certes une certaine charge subversive doublée d'une interrogation existentielle susceptible de faire trembler les adolescents en mal de sensations fortes. Quand je l’ai lu, j’avais l’âge approprié, l’âge où d’autres aujourd’hui se pâment en écoutant du Tokyo Hotel, les petits cons. Le livre paraissait suant d’une colère qui avec le recul – bigre – me laisse froid. Oui, j’ai mal vieilli. Fight Club, ce sont des types qui se foutent sur la gueule pour se donner l’impression d’exister dans un monde où vivre se résume à consommer. La bonne idée du roman, c’est que la bagarre apparaît comme une sexualité nouvelle – une sexualité entre hommes las de se masturber sur les catalogues de vente par correspondance. Car Chuck Palahniuk part du constat plus ou moins légitime que les catalogues de vente par correspondance ont remplacé les bons vieux magazines porno, et voilà pour la critique du néo-libéralisme.

 

Chuck Palahniuk aurait pu être un bon auteur, car il ne manque pas d’idées intéressantes, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond. Ses livres sont décousus, regorgent d’anecdotes qui sentent le vécu, et se fondent sur les petits tabous de nos sociétés proprettes – les sectes du star system dans Survivant, la transexualité dans Monstres invisibles, l’addiction au sexe dans Choke… Dans Berceuse, je ne sais plus.  Car, finalement, l’histoire se répète. Toujours le même procédé narratif, toujours la même phrase rapide (et parfois brouillonne), toujours les mêmes anecdotes croustillantes qui finissent par lasser. A la télé, le type qui interviewait Palahniuk lui demandait : « allez, racontez-moi une anecdote ! ». Palahniuk de s’empresser : « Vous savez ce qu’il y a de pire quand on bosse dans un hôpital psychiatrique ? C’est tous ces types en camisole qui à force de se débattre expulsent leur anus. C’est vraiment horrible de devoir leur remettre l’anus en place… »

 
On trouvera un autre exemple du talent de Palahniuk ici. Le problème de ce talent, c’est qu’il s’est assis dans ses propres limitations. La transgression a du bon, certes – sauf quand le talent refuse de se transgresser lui-même.

Publié dans Bouquins

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S
C'est vrai que Berceuse, de même que Lullaby, m'ont moins marqué que les précédents... manifestement, c'est l'ensemble de son "oeuvre" qui te débecte, désormais! :-)<br /> <br /> Systool
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M
<br /> Débecter, non, je n'irai pas jusque là ! disons que je me suis nettement refroidi, même si Fight Club et Survivant restent de bons souvenirs. C'est plutôt la répétition du style qui m'a lassé...<br /> <br /> <br />