Christophe de Ponfilly - Afghanistan, année zéro

Publié le par Mr. Oyster

Cette semaine, l’assemblée nationale a donc voté en faveur du maintien des troupes françaises en Afghanistan, pour une durée indéterminée. Je me demande si le Parlement afghan a aussi voté en ce sens, mais là n’est pas la question. Tout le problème réside dans l’inconfort d’une question posée (Faut-il partir ou rester ?) alors que nous ne pouvons en définitive ni partir, ni rester. Comment en est-on arrivé là ? En ne nous attaquant pas aux fondements du problème afghan – il y a plus vingt ans. Les socialistes français, qui penchent dans l’ensemble pour le non, n’ont pas plus de solution qu’une droite acculée. S’ils avaient eu une solution, relevant d’une véritable réflexion sur la scène afghane, le ministère des affaires étrangères sous Jospin se serait davantage intéressé au commandant Massoud. Bref, une note sur Christophe de Ponfilly.

 

 

 

Christophe de Ponfilly, reporter indépendant fondateur de l’agence Interscoop, réalisa le film Massoud l’Afghan, dont est tiré le livre édité chez Arte Editions, à la fin des années 90. La réédition de cet ouvrage au lendemain des attentats du World Trade Center porte sur sa couverture une sentence sans équivoque : « Celui que l’Occident n’a pas écouté. » Après l’invasion soviétique de 1979, De Ponfilly, accompagné du reporter Frédéric Laffont, avait enquêté, pendant une année, sur les traces laissées par le conflit soviéto-afghan, aussi bien du côté russe que du côté afghan. Un film : Poussières de Guerre. Et la question de l’inconscience des politiques occidentales, qui se pose à nouveau avec l’entrée en scène des talibans en 1996. Le 20 septembre de cette année là, lorsque le commandant Massoud, las de cautionner Rabbani, quitte Kaboul, les talibans investissent la capitale.  Doit-on comprendre le repli de Massoud comme une décision stratégique ? un désaveu personnel ? C’est avec ces questions que Christophe de Ponfilly s’envole pour la Vallée du Panjshir en 1997 : " Peut-on faire la guerre pendant vingt ans sans se perdre ? "  L’ouvrage consacré à Massoud permet d’explorer les nouvelles zones d’ombre d’un pays incompris, mais ces ombres sont-elles réellement nouvelles ? Et comment s’inscrit la démarche du journaliste dans ce contexte extrême ?

 

Christophe de Ponfilly, qui avait déjà rencontré Massoud au temps des Soviétiques, revient en Afghanistan pour filmer l’homme, et transmettre sa vision au monde Occidental. L’Occident est étrangement resté sourd à l’histoire afghane rapportée dans Massoud l’Afghan, et il faudra attendre le grand spectacle du 11 septembre 2001 pour que l’on s’intéresse au commandant Massoud, mort deux jours plus tôt. En juin 2000, une délégation de parlementaires accompagnée par De Ponfilly se rend dans la Vallée du Panjshir. Pour la première fois, Massoud, qui ne parle pas l’anglais, peut s’exprimer, se faire entendre ; De Ponfilly filme ce qu’il considère comme  La Délégation de l’Espoir . Massoud prévient, un an avant les attentats de New York, des activités de Ben Laden en Afghanistan, et s’inquiète, déjà, d’une possible internationalisation du terrorisme.  En juin 2001, Massoud, invité par les parlementaires à Strasbourg, dénonce une fois encore, devant le Parlement Européen, les agissements des talibans, l’incompréhension de l’Occident, et la présence menaçante d’Al-Qaeda sur le sol afghan. En dépit de cela, la passerelle fragilement dressée par l’initiative européenne entre l’Occident silencieux et l’Orient afghan qui appelait à l’aide, passerelle qui n’aurait pas existé sans Christophe de Ponfilly, a été rompue.

 

Après plusieurs longues années de résistance, Massoud meurt le 9 septembre 2001, victime d’un attentat suicide fomenté par Al-Qaeda. Recevant deux faux journalistes, il succombe à l’explosion d’une caméra piégée. Cette tactique suicide fera des siennes une fois encore deux jours plus tard. Il est étonnant que la mort de Massoud ait été occultée par les médias, et qu’il ait fallu attendre la riposte américaine aux attentats de New-York pour en apprendre davantage. Comme pour se défaire de la souffrance que lui inspire le drame afghan, et la mort du combattant avec qui il s’était lié d’amitié, De Ponfilly est retourné, entre 2005 et 2006, dans la Vallée du Panjshir, pour réaliser une film, de fiction cette fois, L’étoile du soldat, qui serait un condensé des malheurs, mais aussi des beautés, de l’Afghanistan au temps des Soviétiques. Cette période de la guerre constitue manifestement le cœur du brasier, un brasier auquel le journaliste s’est brûlé.

 

Christophe de Ponfilly s’est suicidé en mai 2006, juste après la fin du tournage de L’Etoile du Soldat. Il aura consacré plusieurs années de sa vie à faire connaître l’Afghanistan du commandant Massoud à des occidentaux qui regardaient ailleurs. Avec Massoud, il avait appelé à l’aide et prévenu du danger terroriste. Aujourd’hui, plus de deux ans après sa mort, quelles avancées ?

 

Lien vers une interview de Christophe de Ponfilly : link

Publié dans Vrac

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