Pat Garret and Billy the Kid (sont sur un bateau)

Publié le par Mr. Oyster

Point ici de critique du film de Peckinpah (1973). Pas un mot sur James Coburn et Kris Kristofferson, rien que la musique de Dylan qui habille et traverse l’histoire d’une trahison.

 

Bob Dylan est un traître, un Judas. Dîtes-lui lors de son prochain concert, ça devrait faire son petit effet. Sa B.O de Pat Garrett and Billy the Kid constitue à mon humble avis l’un des sommets trop souvent mésestimé de son inépuisable discographie – un sommet serein dressé dans le désert du Nouveau-Mexique, mais d’une sérénité troublée, qui le distingue tout autant des douches électriques de Blonde on Blonde que des promenades country de Nashville Skyline. Nous sommes quelque-part dans les limbes, hors catégorie – et pourtant au cœur même de l’œuvre dylanienne, dans l’œil du cyclone. Ce disque trop vite rangé dans le tiroir des soundtracks pourrait occuper un chapitre entier du Précis d’histoire de la dylanologie – science délicieusement inexacte.

De longues méditations instrumentales lèvent le rideau sur le désert qui verra s’affronter les deux amis d’antan. Le rythme lent des sabots battant les buissons d’épineux, les guitares confuses du vent soufflant la poussière. Contemplation éminemment sensible des plaines arides que ratissent les rayons du destin. Dylan-Alias, Petit Poucet schizophrène et témoin pas si muet que ça, soupèse ses cailloux et jongle avec ses quatre vérités. Il joue (du couteau) : Dylan alias Alias, Jack le Fataliste déjà, toise de son œil bleu mi-ironique, mi-shakespearien, le théâtre tragique qui confronte le justicier expéditif au hors-la-loi solitaire. Second-rôle anecdotique qui pourtant relève du pivot : le regard, espiègle et lucide, embrasse les limites des héros. Il ne parle pas, il lance les stridulations de son harmonica détraqué dans le désert.

 

La sépulcrale Knockin’ on heaven’s door, chef d’œuvre embryonnaire qui continue d’allonger ses ombres quand commence la piste suivante. Ce titre qui ne dure que deux minutes occupe une interminable durée parallèle dans la tête de l’auditeur (moi) avachi sur son lit (ma dune). Mais passons à côté du chef d’œuvre et interrogeons les chansons consacrées à Billy. Billy 4 (qui ferme le film), accompagne le vagabond : Billy, regarde-toi. Tu ne peux pas revenir et tu n’as nulle part où aller. Le chant monte le campement à la lisière. « Un artiste doit prendre garde à ne jamais croire qu’il est arrivé quelque-part », dira Dylan. Billy 7 (la voix change brusquement, grave, infiniment vieille) rabâche mélancoliquement : tout est tracé, pris et plié, le hors-la-loi ne connaîtra d’autre asile que la frontière, l’extrémité du trottoir, le vertige du virage qui ne s’achève nulle part.

Mon disque de chevet. Et, je radote, mais les sessions d'enregistrement sont décidément un régal :
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Publié dans Dylanologie

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E
J'adore ce disque. Dylan n'a jamais aussi bien chanté je trouve...
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