Dave Bixby - Ode to Quetzalcoatl

Publié le par Mr. Oyster

Ode to Quetzalcoatl : le titre laissait suggérer quelque ovni exotique, mâtiné de fantaisies soucoupistes, ou une poignée de métal précieux surgie en fine pluie de temps anciens. Mais si ce n’est que poussière et poudre blanche qu’il vous souffle en pleine figure, ça n’en demeure pas moins précieux. Etiqueté folk psyché sur les blogs anglo-saxons qui en perdent leur latin, l’objet, évanescent, retors, cache bien son jeu. Une première écoute forcément admirative vous met dans la confidence. A pas de velours sur le parquet qui craque, nous pénétrons le temple de l’intime. Quelques meubles éventrés n’en finissent pas de se décomposer aux quatre coins de la boîte crânienne qui tient lieu de cadre. Quelques brêches dans les parois laissent filtrer d’étranges lumières sur les tapisseries miteuses. On hésite, on s’assied sur le fauteuil de cuir troué qui nous tend ses accoudoirs, et on regarde ce type qui n’est plus que la silhouette de son ombre, en tailleur à même le sol, qui pousse sa bizarre mélopée, un cendrier vomissant ses cendres froides tout près. Les quelques notes égrenées en ouverture de Drug Song semblent se condenser dans l’air trouble. Tout se réduit à cet hologramme de fumée qui nous embarque sur son navire.



 

 

Le sorcier solitaire vous emmène en voyage. Tempête sous un crâne – de ces ouragans de glue qui vous scotchent au bord d’un verre au coeur de la nuit. De noires vagues molles lèchent l’œil jaune du cyclone. On devine les vaisseaux éclatés, qui épanchent leur suc noirâtre sur la sphère vitrifiée. Fascinante, terrifante mélopée déconstruite, trimballée par les flots, qui tourbillonne et se resserre, froidement, jusqu’à l’étouffement – longue, lascive strangulation au point d’orgue de laquelle vous ne pouvez plus que constater que le mât s’est pris à vos propres tripes. Vous tremblez, la moitié de votre corps est en train de se liquéfier tandis que l’autre moitié essaie de la retenir. Vous êtes cet hologramme ventre ouvert figé à l’orage décliné en mille cauchemardesques instantanés – cloué au pilori d’une éternité fracassée. Ce cadavre que viennent chatouiller les lames d’un harmonica erraillé. Ce type qui pousse sa sinistre complainte a amorcé un processus sans retour. Secret Forest fait miroiter son paradis désolé, vous titille les boyaux jusqu’à la crise de nerfs, annonçant ce Peace étrange et consternant, douloureusement joussif, qui provoquera rien moins que votre désincarnation. Les fantômes – ceux des vieux loups de mer alcooliques, des hippies frappadingues dont on ne saurait plus distinguer la barbe hirsute de la chevelure informe – ils se saisissent de ce qui reste de vous.

 

Maintenant, il n’y a plus personne sur cet antique fauteil de cuir, plus personne dans le théâtre de ténèbres du crâne fracturé. Le type vautré dans ses cendres, il attend – c’est à qui le tour ?

Publié dans Folk

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
Grand disque halluciné qui ferait passer Buckley pour un premier communiant des substances plus ou moins licites. J'imagine que Bixby carburait au peyotl ou à la salvia pour intituler ainsi l'album et rendre ses illusions sonores et sa dépression pregnante.
Répondre
M
<br /> Le peyotl ! Bon sang mais c'est bien sûr !<br /> <br /> <br />
E
J'étais sûr que çà te bôterait!
Répondre