Terry - Rojvi

Publié le par Mr. Oyster

Quelque chose de Dylan en travers de la gorge, de Jandek dans la méthodique déconstruction. Voici donc l’entité, l’illustre inconnu, jaillissant de son fumant égout pour délivrer un disque d’une beauté parfaitement erratique – paradoxalement maîtrisée de bout en bout – qui met les nerfs à rude épreuve. Folk-psyché résolument urbain, frotté aux murs sales et aux catacombes métroïdes, fouillant ce monde parallèle qui grouille à côté de nous : des colonies de cancrelats coprophages copulant dans les briques vides de nos caves. Là où se couche le soleil de la raison – sur quelque glaciale zone industrielle périphérique – se lève le crasseux mystère, imprégné de folie, sillonnant les extrémités de notre bonne santé mentale. Grinçant train fantôme rôdant sur les voies de RER  quand le trafic est nuitamment interrompu, Rojvi nous embarque pour un voyage au bord de l’asphyxie, précipitant les âmes les plus averties en plein cimetière de cités à l’abandon et de carcasses de vies déconstruites. Les cadavres s’enchevêtrent, exprimant de toutes parts leur substantifique et pourrissante moelle – on glisse dessus.



 

 

On dirait la bande son d’un obscur film d’épouvante, mais ce n’est pas ça. On dirait les polyphonies intoxiquées d’une messe noire underground enregistrées en douce sur magnétophone, mais ce n’est pas ça non plus. Ni du surréalisme – ou alors Nadja a mal vieilli, troquant ses artefacts séducteurs contre le linceul miteux de la lépreuse. On dirait des tas de choses que ça n’est pas. Vous vous réveillez au plus profond de la nuit et vous entendez des griffes gratter le métal des volets clos. Rojvi, c’est moins la conscience morte que sa lente et féroce agonie – la mort oeuvrant sur la vie, le macchabée sortant de l’ombre pour s’emparer du vif. La violence, contenue, n’éclate guère à coups de violacés éclairs que sur What a day – le seul morceau qui, peut être, me cause quelques problèmes éthiques. Voilà un type tentant de semer la meute de chiens enragés sur ses talons, et on sait qu’il n’y parviendra pas. Le reste est lourd d’un désespoir quasi hystérique, d’une tristesse sans fond ni fin qui vous submerge et vous digère lentement, avec délectation – Clown Clouds : une assemblée de bouffons blafards priant silencieusement autour de la table d’opération.

 

Introuvable, mais indispensable. Merci.

Publié dans Folk

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R
<br /> Terry est un pseudo de Jim Collins. On trouve le CD en Allemagne chez les disquaires branchés underground, psyché<br /> <br /> <br />
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E
Et merci à Odradek, notre maître à penser à tous.
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M
<br /> Odradek aura laissé une sacrée marque sur la toile !<br /> <br /> <br />